Transformation

2023.06.27

La loi du moindre effort serait-elle la clé d’une transformation opérationnelle réussie?

Par Caroline Menard et Mikael Cardin

La majorité d’entre nous considère que les personnes qui déploient un maximum d’effort au travail sont les plus susceptibles d’obtenir de bons résultats. Cette perception généralement acceptée est d’ailleurs confirmée par une récente étude menée par Jared B. Celniker et cinq autres chercheurs de l’American Psychological Association justement intitulée The moralization of effort.  Nous avons ainsi tendance à valoriser l’énergie dépensée, plutôt que le résultat obtenu… alors que cela est contre-intuitif et contre-productif. Qui n’a pas été témoin de situations où des ressources et des énergies ont été gaspillées parce qu’elles n’étaient pas investies de la bonne façon? Bien sûr, personne ne songe vraiment à encourager les partisans du moindre effort, mais la recherche du juste effort devrait être un élément clé de la stratégie des organisations qui s’engagent dans un processus de transformation opérationnelle.

À ne pas confondre avec la gestion du changement, la transformation opérationnelle vise à faire évoluer les pratiques et les comportements des collectifs et des individus, afin qu’ils dépensent leurs énergies sur les bonnes choses et de la bonne manière, en y trouvant du sens et du plaisir. Dans cette optique, l’objectif premier est d’améliorer le rendement et la productivité en favorisant une approche humaine et collective, tout en s’assurant que la raison d’être de l’organisation demeure en toile de fond de l’ensemble des actions menées.

Dans le cadre de leurs nombreuses interventions en transformation opérationnelle, les conseillères et les conseillers de Brio accompagnent leurs clients au cœur du processus. Les observations menées sur le terrain sont aussi l’occasion d’affiner leurs connaissances et de faire évoluer leurs pratiques. Nous voulons ici partager certains de ces constats qui pourront alimenter vos réflexions sur ce sujet d’actualité.

La transformation opérationnelle : questions à se poser pour s’améliorer

Une entreprise est un corps en mouvement permanent, composé de femmes et d’hommes qui chaque jour viennent déployer une certaine quantité d’énergie et de temps pour réaliser la mission qui leur a été confiée. Ainsi la démarche de transformation opérationnelle concerne l’ensemble des forces en présence au sein de l’organisation, aussi bien les membres du comité de Direction que les conseiller(ères) clientèle qui traitent des réclamations ou encore les responsables du recrutement.

Au sein de cet exercice qui se déroule à la fois sur les plans collectif et individuel,  on vise à trouver des pistes d’amélioration en remettant en question le statu quo :

  • Quelle est alors la valeur de l’énergie dépensée? L’est-elle sur les bonnes choses et de la bonne manière?
  • Dans nos réalisations quotidiennes, quelle est la part d’activités à forte valeur ajoutée qui a un impact direct ou indirect sur l’atteinte des grands objectifs poursuivis par l’organisation?
  • Combien de temps passons-nous sur des tâches que nous aurions pu éviter, ou qui seraient rapidement oubliées si nous cessions de les réaliser?
  • Combien de temps consacrons-nous à repasser derrière ce que les autres ont fait?
  • Quelles sont les pertes liées à tous ces rapports d’activité dont les données ne sont pas réellement discutées?
  • Comment peut-on mettre en place les conditions idéales pour permettre aux équipes d’effectuer ces questionnements et de trouver des solutions, tout en s’assurant que les initiatives qui en découlent sont alignées sur la vision de l’organisation et améliorent sa performance globale?

Les 4 principes qui guident les transformations opérationnelles

Selon l’expérience acquise auprès de  nos clients, voici donc un aperçu des stratégies à privilégier pour maximiser la portée de vos efforts de transformation opérationnelle. Chaque cas étant différent, on ne prétend pas ici proposer une recette universelle, mais plutôt certaines règles à respecter pour maximiser les chances de succès.

Savoir où l’on va : proposer une vision et des objectifs précis à partir desquels les équipes peuvent identifier leurs priorités et prendre les bonnes décisions

On nous propose souvent de grands objectifs comme « Être le leader de l’industrie agroalimentaire », « être reconnu comme un acteur incontournable dans notre secteur d’activité » ou « satisfaire nos clients internes et accompagner leur transformation numérique ». Frôlant la langue de bois, ceux-ci pourraient être attribués à n’importe quelle entreprise ou direction. Ils ne sont toutefois d’aucune utilité pour aider les équipes sur le terrain à faire des choix pertinents. Le risque est que chacun en fasse sa propre interprétation, menant à des visions conflictuelles où tout le monde a sa propre notion de ce qui est important et urgent. Ce type de situation a pour effet de freiner, voire de paralyser les opérations.

Voici quelques options à envisager pour éviter le piège des orientations fourre-tout dans lesquelles personne ne se reconnaît vraiment :

  • S’interroger sur l’ambition poursuivie par l’organisation en vue de préciser comment elle peut se définir à la lumière de la réalité vécue par les équipes. Il s’agit alors de faire remonter ces questions opérationnelles au comité de gestion. « Pour nous, l’efficience, c’est vite et bien ou bien et vite ? », « devons-nous répondre aux attentes ou aux besoins des clients ? », « faut-il répondre aux besoins actuels ou aussi aux besoins futurs des clients pour assurer un service de qualité? ». Les réponses à ces questions sont importantes, car elles auront un effet sur le comportement futur des équipes.
  • Chercher à établir une meilleure unité d’action face aux attentes et à la réalité vécue par le client. Ce dernier devient le point de référence à partir duquel est arbitrée l’efficacité de nos processus internes. On vise alors à éliminer les pertes d’énergies issues des dédoublements et des incohérences découlant des interactions entre les différents services qui participent à l’expérience client. Cela permet d’éviter que les équipes opèrent en silos, une source potentielle de frictions à l’interne et de frustrations chez le client. Dépenser le juste effort pour l’organisation résidera alors dans la capacité des équipes à travailler ensemble, à faire œuvre commune plutôt que de se confiner à son propre terrain de jeu.
  • Favoriser une compréhension commune de la vision et des objectifs de façon à recentrer ses énergies sur des activités à valeur ajoutée. L’un des défis liés à cette approche est de réussir à proposer aux équipes un ancrage suffisamment engageant et précis pour leur permettre d’en déduire les pratiques et les modes de fonctionnement idéaux vers lesquels s’orienter.

Créer des espaces d’expression aptes à générer les bonnes discussions

Les personnes qui sont chaque jour au cœur des actions de l’organisation sont les mieux placées pour identifier ce qui fonctionne bien et moins bien. Il est essentiel de leur allouer l’espace nécessaire pour discuter de leur réalité quotidienne, de leurs priorités et de l’ensemble de leurs modes de fonctionnement. En renforçant ainsi le sentiment d’appartenance au collectif, on favorise l’émergence de mécanismes de partage et d’entraide qui vont de pair avec des économies d’énergie.

Une certaine forme d’accompagnement s’avère souvent indispensable dans le cadre de ces discussions. L’évaluation de la pertinence des indicateurs de performance est un exemple de tâche pouvant nécessiter un encadrement plus soutenu, car les échanges sur ce sujet sensible peuvent parfois se transformer en moments anxiogènes et en pertes de temps supplémentaires. Il est cependant essentiel d’éviter que la ou les personnes qui accompagnent se retrouvent à prendre trop d’espace, l’objectif étant de libérer la parole des personnes qui œuvrent sur le terrain. Cela exige une position axée avant tout sur l’écoute et la réceptivité.

Dédier du temps à la transformation et soutenir l’effort collectif

Afin d’assurer la continuité du processus de transformation, on ne saurait trop insister sur l’importance de programmer des moments de réflexion et de discussion. Les équipes qui bénéficient de périodes de temps dédiées à leur propre transformation sont davantage en mesure de recentrer progressivement leur quotidien sur des activités à valeur ajoutée. En l’absence d’un calendrier structuré, ces rencontres risquent d’avoir lieu au mauvais moment et de ne pas donner les résultats escomptés, ce qui est contre-productif et source de frustrations.

De là, l’importance d’instaurer des rituels spécifiques. Ceux-ci peuvent prendre de multiples formes et se dérouler à différentes fréquences, selon les impératifs d’opération ou la nature des tâches assumées par les équipes concernées. Toutes les options sont possibles et, encore là, l’ouverture et la saine communication sont à privilégier pour assurer une planification adéquate.

Enfin, il ne faut pas viser à transformer tous les membres des équipes en experts méthodologiques de la transformation ou en ceintures noires de l’amélioration continue. À trop vouloir en faire, on tue parfois la productivité. Quelques outils très simples et un cadre adéquat permettent de libérer l’intelligence collective pour résoudre efficacement les problèmes, partager les bonnes pratiques et réajuster les façons d’opérer… tout en ayant du plaisir à le faire.

Célébrer les succès… et recommencer

Quand c’est bien, il faut le dire, mais encore une fois tout est dans la manière. Il ne s’agit pas uniquement de faire de la valorisation et du renforcement positif. Célébrer les succès et les bons comportements permet d’encourager les équipes à pérenniser ce qu’elles ont mis en place.  L’impact sera renforcé si la célébration s’appuie sur des faits, soit une mesure de l’impact des actions réalisées qui valide le succès et le rend visible. Prendre le temps de comprendre ce qui a permis d’atteindre le succès permet d’identifier ce qui doit être reproduit et de donner envie de recommencer… un petit pas après l’autre.

Parvenir au « juste effort » exige un mélange de doigté et d’intelligence collective

Pour être en mesure d’en arriver à une véritable transformation  des pratiques et des comportements, les différentes approches ici mentionnées doivent être assorties d’un coaching opérationnel à tous les niveaux de l’organisation. À la différence du coaching en leadership qui s’attarde à la posture de gestion, le coaching opérationnel se fait en immersion dans la réalité quotidienne d’une organisation, au cœur de l’action. Il consiste à accompagner sans toutefois diriger, afin de faire évoluer par petites touches ce que les équipes font et la manière dont elles le font.

En gardant toujours le cap sur la vision d’ensemble poursuivie par l’organisation, on s’efforce de  fournir les clés requises pour que le collectif puisse l’atteindre de manière autonome. Ainsi, les gestionnaires assument leur rôle de leader en étant en quelque sorte les gardiens du sens auprès de leurs équipes. Cela requiert une approche axée sur l’ouverture et sur la sensibilité. Petit à petit, de façon organique, on peut ainsi atteindre cet équilibre qu’est le juste effort, celui par lequel un maximum d’énergie déployée se retrouve concentré dans les gestes à valeur ajoutée.

Par Caroline Menard et Mikael Cardin

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