Pratique de gestion

2021.01.28

Au club des imparfaits : les administrateurs aux personnalités toxiques au sein des conseils d’administration

Par Joanne Desjardins

Qui n’a jamais vu la dynamique d’un conseil d’administration empoisonnée par un administrateur à la personnalité toxique? Le conseil d’administration est en quelque sorte un microcosme de la société. On y voit défiler une série d’administrateurs aux personnalités diversifiées. La mixité de ces personnalités permet de concocter un cocktail parfois explosif. Au cours de notre pratique en gouvernance, nous avons pu observer quelques personnalités atypiques et problématiques au sein de conseils d’administration. Dans le cadre de cet article, nous vous présentons un échantillon d’administrateurs aux personnalités atypiques issu de mes observations.

L’administrateur paranoïaque vit dans une logique de complot. Il est constamment en train de remettre en doute le bien-fondé des décisions du comité de direction ou du conseil d’administration. Il recherche la faille permettant de justifier son attitude inquisitrice. Ses commentaires types se résument à ce qui suit : « Il ne faut pas croire tout ce que la direction avance. » et « Il faut préserver une saine méfiance avec la direction. »

L’administrateur narcissique est en quête d’attention. Il essaie donc de se mettre en valeur pour mieux se rehausser. Dans ses commentaires, il fait abondamment référence aux termes « je », « me » et « moi ». À ses yeux, il est l’incarnation d’un être suprême.

L’administrateur manipulateur est le champion du louvoiement qui s’empare de la ruse pour arriver à ses fins : la conquête du pouvoir. On se méfie généralement peu de cet administrateur qui sait se montrer charmeur et à l’écoute. Sous ce masque trompeur se cache un modus operandi : cultiver l’ambiguïté et attiser les rivalités pour mieux s’imposer. La division : son option. Il peut être imprécis ou ambigu dans ses opinions afin de se laisser une marge de manœuvre. Il cherche à s’attribuer les réussites et à jeter le blâme des échecs sur la direction ou les autres administrateurs.

L’administrateur je-sais-tout étend son savoir et ses connaissances sans être sollicité à le faire. Il a toujours raison. Son degré d’écoute est souvent inversement proportionnel aux mots qu’il débite. Il possède une opinion sur tout. Si le conseil d’administration ose prendre une décision contraire à son opinion et qu’elle s’avère infructueuse, ses commentaires types sont souvent : « Je le savais, je vous l’avais dit. »

L’administrateur rouleau compresseur dont la délicatesse et le tact sont comparables à celle d’un marteau-piqueur. Avec lui, pas de demi-mesure. L’intensité de ses interventions est régulée sur deux modes : fort et très fort. Il n’hésite pas à pulvériser en miettes la direction pour un mot mal choisi ou un simple oubli. Le droit à l’erreur, très peu pour lui. À la moindre étincelle, il s’enflamme.

L’administrateur diable des détails lit méticuleusement tous les documents du conseil d’administration au point de pouvoir les réciter par cœur. Il trébuche sur les virgules et s’enivre de synonymes pour identifier le mot juste. Il débusque les erreurs grammaticales avec une fierté comparable à celle d’un sanglier qui déterre des truffes. Il se surinvestit dans des activités de moindre importance au détriment de certaines plus prioritaires pour le conseil d’administration. Il est du genre à rédiger de longs courriels pour relever les erreurs contenues dans une politique. Plutôt fermé à la rétroaction, il a la flexibilité d’une poutre de fer.

L’administrateur fantôme est là, mais on ne le voit pas. Pire, on ne l’entend pas. Il n’émet peu ou pas d’opinion. Il est de nature plutôt timide et a tendance à s’isoler. Il a peu ou pas d’interactions avec les autres administrateurs. On se questionne évidemment sur la plus-value de sa contribution.

Que faire devant cette galerie de portraits aux traits si imparfaits? Ces personnalités indésirables constituent certes des irritants nuisant au bon fonctionnement d’un conseil d’administration. Elles mettent du sable dans l’engrenage de la dynamique du conseil d’administration. L’ironie, c’est que ces administrateurs ne sont probablement pas toujours conscients de l’impact nocif de leurs agissements sur la direction et les autres administrateurs.

Toutefois, l’intervention diligente du président du conseil d’administration est requise pour offrir à l’administrateur concerné une rétroaction sur son comportement pour qu’il cesse d’agir de manière inappropriée.

Il peut être aussi utile d’offrir une formation ou un coaching en gouvernance notamment sur le savoir-être. Souvent, des d’administrateurs accèdent à leurs fonctions sans être vraiment bien préparés. Un rappel des règles élémentaires de gouvernance, du rôle d’administrateur, du comportement et de la contribution attendue peut s’avérer utile même pour les initiés.

En cas d’impasse, le président devrait l’inviter à quitter volontairement ou le démettre de ses fonctions en s’assurant que les règlements généraux le permettent. Néanmoins, le président ne changera pas la personnalité de l’administrateur. Cependant, il parviendra possiblement à établir des rapports plus acceptables et cordiaux avec lui et les autres. La mise en relief de ces personnalités atypiques permet d’insister sur l’importance de réaliser des entretiens avec les administrateurs et d’obtenir des références lors du recrutement.

Par Joanne Desjardins

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